Aristote philosophe de l’amitié
Le pouvoir de cohésion de l’amitié est un des principes anthropologiques de la philosophie morale et politique d’Aristote. L’amitié accorde les esprits, ce n’est pas seulement un sentiment mais d’abord une vertu intellectuelle et morale qui stimule les individus et les sociétés, y compris pour bien agir. S’il existe bien plusieurs formes d’amitié, leur unité tient à une fonction commune : consolider cette Société des esprits dans laquelle Paul Valéry voyait la condition de possibilité d’une Société des Nations durable et respectueuse des différences.On connaît bien l’importance attribuée par Aristote à l’amitié (philia) dans ses réflexions éthiques. De fait, il lui consacre deux livres de l’Éthique à Nicomaque, et prête à l’amitié beaucoup plus d’attention et de pages qu’aux autres questions éthiques comme le bonheur, la justice ou le plaisir.
Ces deux conférences traiteront successivement deux aspects fondamentaux de la conception aristotélicienne de l’amitié : la première est la notion même d’amitié, conçue comme (a) bienveillante (b) réciproque (c) reconnue par les deux amis. Une attention particulière sera accordée au problème de l’unité de cette notion d’amitié.
Puis il s’agira de discuter trois objections, les plus importantes qui ont été soulevées contre la théorie aristotélicienne de l’amitié : (a) qu’il s’agirait d’une conception naturaliste et non spiritualiste de l’amitié, (b) que ce naturalisme serait associé à la reconnaissance de valeurs universelles, en négligeant la singularité de l’ami, (c) que cette conception de l’amitié impliquerait une attitude égoïste, en oubliant l’altruisme qui doit soutenir l’amitié véritable. Cette discussion permettra d’éclaircir la complexité de l’amitié aristotélicienne, qui combine une dimension véritablement personnelle à sa valeur éthique et anthropologique.