Le village transformé : mobilités, diversité immigrée, et tourisme identitaire
L’exemple méditerranéen de Cadaqués (Espagne)
Comment les villages se transforment-ils à l’époque contemporaine ? La globalisation, les mobilités inter/nationales de tout ordre, les mondialisations culturelle et migratoire, tous ces phénomènes participent aux évolutions des villages : les sociétés sont de plus en plus mobiles et diverses – et cet état de fait touche aussi les mondes ruraux et les espaces non métropolitains, ainsi que leurs habitants. Ce séminaire expose les résultats d’une thèse en géographie (2018) intitulée « Habiter un village global. Migrations et expériences à Cadaqués (Catalogne, Espagne) ».
L’analyse s’appuie sur l’étude de cas étendue de Cadaqués, une commune semi-rurale méditerranéenne touristique de la Costa Brava espagnole. Comptant moins de 3 000 habitants, plus d’une vingtaine de nationalités y résident. Cet ancien village de pêcheurs est aujourd’hui devenu une localité balnéaire connue, pour avoir été le lieu-égérie du peintre Salvador Dalí dès 1930. C’est autour de cette figure de notoriété internationale, qu’une politique touristique est localement menée, centrée sur un marketing identitaire alliant : préservation environnementale, singularité culturelle, et authenticité autochtone. Une économie qui attire, brasse, et à laquelle contribuent des habitants divers, entre autres des migrants, des saisonniers et des sédentaires, des étrangers et des nationaux, des non-nationaux extra/européens, des travailleurs précaires, des artistes mobiles.
À l’aune de l’exemple de Cadaqués, comment appréhender les changements des villages ? Qui habitent ces territoires partagés, et différemment appropriés ? Quelles altérités y sont coprésentes ? Quelles expériences du vivre-ensemble avec autrui, peut-on y saisir ? L’argumentaire repose sur une enquête qualitative mobilisant un terrain ethnographique avec différents résidents interviewés, des données statistiques, de la presse locale, et l’outil cartographique. L’approche choisie, concourt à la formalisation d’une géographie psycho-sociale, à partir de l’individu, questionné dans les composantes de sa citoyenneté à travers le concept d’ « habiter » revisité (c’est-à-dire le rapport que l’homme nourrit à soi-même, aux autres, ainsi qu’aux différents espaces auxquels il contribue).
Une lecture trans-scalaire des évolutions spatiales et une approche biographique des expériences quotidiennes à Cadaqués, permettent d’apprécier les transformations du village, et les formes du co-habiter qui en résultent. Face à une augmentation du racisme, un court-termisme politique, et une démocraticité discutable des droits à habiter et à se mouvoir en Europe et en Occident, les habitants nous révèlent in fine, au travers d’une mise en questionnement de la citoyenneté et de la mobilité, l’état actuel du rapport à l’altérité. L’espace villageois, souvent perçu de manière vieillotte, se révèle un lieu-témoin des processus constitutifs de la mondialisation et de la globalisation − constitué qu’il est, de l’enchevêtrement séculaire de multiples mouvements humains, matériels et idéels.
Jeudi 16 décembre 2021 à 12h30
Salle DECA 03, Faculté de Droit et de Science Politique – Corte