Venise offre l’exemple d’une communauté humaine qui fut, de manière précoce, consciente que sa durée historique dépendait de celle de son écosystème. Sans
travaux d’aménagement et d’entretien, la vie était impossible dans le bassin des lagunes. Ce site de refuge était en effet un milieu hostile. Il fallut, au long des
siècles, créer le sol sur lequel bâtir, protéger et consolider la défense littorale, lutter contre l’alluvionnement des fleuves et l’ensablement des canaux. Des chantiers continus furent menés qui permirent, sous le contrôle de l’autorité politique agissant au nom du Bien commun, la construction d’une ville puissante et prospère. Mais des efforts furent dans le même temps poursuivis pour préserver les ressources, qu’il s’agisse du contrôle de la pêche dans les eaux des lagunes ou de la préservation du patrimoine forestier en Terre Ferme. L’autorité publique s’efforça de même de réguler les conséquences, sur un écosystème fragile et en évolution constante, de l’existence même d’une agglomération très peuplée et de ses activités portuaires et industrielles.
On peut donc analyser comment fut mise en œuvre, durant les siècles médiévaux et modernes, une véritable boite à outils destinée à trouver les réponses,
écologiques avant la conscience écologique, aux problèmes multiples créés par l’existence d’une ville dans un tel site. Il se déploya, avec des tâtonnements, des
hésitations, des compromis et des échecs, une stratégie de la conservation rendue plus encore nécessaire par le poids démographique de l’époque moderne.
Le paradoxe serait donc qu’à l’heure où les nécessités d’un développement durable s’imposent largement, la résilience vénitienne paraît remise en question par les effets du tourisme de masse et la montée du niveau des mers et océans.