Workshop « Éthiques naturalistes et droit de l’environnement : D’une révolution conceptuelle à une refondation juridique ? »


Le statut juridique dévolu par les Hommes aux entités naturelles est largement conditionné par la vision du monde et par la posture éthique auxquelles souscrivent les législateurs. Un statut juridique est en effet nécessairement la traduction en droit d’une certaine philosophie. Et, sur la question environnementale, la philosophie du droit a toujours été le lieu de profondes tensions entre des considérations axiologiques et métaphysiques générales tendant à affirmer la valeur intrinsèque de l’ensemble des êtres vivants voire des écosystèmes, et des considérations de techniques juridiques réduisant les entités naturelles à la sphère patrimoniale.
La philosophie kantienne, qui ne reconnaît de dignité qu’à l’être humain, et la structure cartésienne du droit moderne, qui sépare strictement les objets de droit -dont les êtres naturels- et les sujets de droit, servent actuellement toujours de cadre axiologique au droit de l’environnement. Une grande majorité des législations environnementales se réfèrent en effet à des éthiques anthropocentrées selon lesquelles seuls les humains peuvent se voir reconnaître le statut de patient moral parce qu’ils sont à jamais hors de l’Univers naturel. Traditionnellement développé autour du droit de l’Homme à vivre dans un environnement sain ou du droit au développement durable, le droit de l’environnement n’appréhende ainsi la Nature que tournée vers l’Homme, utile à l’Homme, et ne prenant du sens qu’en relation avec lui.
Toutefois, face à ce que l’on appelle dorénavant l’anthropocène, à savoir la période géologique actuelle qui se caractérise par la prédominance des activités humaines, tant la pertinence de la posture anthropocentrée que l’effectivité du droit de l’environnement sont contestées par un renouveau des éthiques naturalistes. Ces dernières proposent de reconsidérer le rapport Homme-Nature et de s’écarter de la logique anthropocentrique du droit positif en ne considérant plus la Nature comme un objet de protection mais comme une personne juridique.
L’ambition du séminaire est, dans un premier temps, de présenter les principaux courants des éthiques naturalistes qui, malgré leurs nombreuses divergences, convergent pour affirmer la valeur intrinsèque d’entités naturelles non humaines et ainsi pour élargir, en rupture avec l’éthique anthropocentrée, la communauté morale aux animaux sensibles (pathocentrisme), à tous les êtres vivants (biocentrisme) voire aux écosystèmes (écocentrisme). Il convient, au-delà, de prendre en considération ces éthiques naturalistes pour réaliser une analyse critique des soubassements axiologiques du droit de l’environnement, pour déterminer si la prise en compte du seul intérêt humain peut aboutir à protéger adéquatement les autres entités naturelles.
Dans un second temps, le séminaire se propose d’étudier comment le renouvellement du questionnement éthique sur le statut des entités naturelles a conduit le législateur à réviser les règlementations environnementales. Force est en effet de constater que le statut juridique des animaux, en raison de leur proximité avérée avec l’Homme, a été progressivement redessiné pour les appréhender comme des « êtres sensibles » et pour protéger leur « bien-être ». Bien au-delà, certains Etats (la Nouvelle-Zélande, l’Inde, l’Equateur, la Bolivie, certaines collectivités locales américaines) ont révolutionné les fondements éthiques et philosophiques du droit de l’environnement en consacrant des droits au profit de la Nature.

2018-09-20_Plaquette workshop Droit et éthique de la nature