Journées d’étude « Des images qui nous collent à la peau…. les ethnotypes hier et aujourd’hui »

15 November 2019 par Super Administrateur
Mercredi 4 et jeudi 5 décembre 2019 - Amphithéatre Ribellu - FLLASHS Campus Mariani, Corte.

 

Il y a 190 ans, en mai 1829, Prosper Mérimée, qui n’a point encore composé Colomba (1840), publiait dans la Revue de Paris une nouvelle qui fit grand bruit et rencontra plus qu’un succès d’estime : Mateo Falcone. Moeurs de la Corse. Dans le récit, les personnages sont erratiques et les dialogues sommaires. Mateo Falcone va mettre à mort son fils Fortunato, qui a trahi pour une montre, les lois de l’hospitalité. Le père emmène son fils au fond d’un ravin et lui demande de réciter ses prières. Fortunato est mis en joue par Mateo Falcone qui l’abat froidement. Il y a dans la nouvelle, glaçante de bout en bout, une dimension épique en forme de tragédie grecque.

Si la question est trop souvent de savoir si les textes corses de Prosper Mérimée correspondent à la réalité de la vie quotidienne en Corse au XIXe siècle, c’est que l’espace-temps du récit, la diégèse, est chez lui un univers qui emprunte à la réalité (environnement, personnages, etc.). Or, il y a comme une inutile et naïve obsession à vouloir vérifier dans une fiction si les caractères factuels ont été seulement altérés, totalement falsifiés ou la vérité réécrite. Mais que faut-il entendre par vérité ? De manière classique, Aristote l’identifie comme une relation entre une représentation, un discours, une idée et ce à quoi elle se rattache, son référent, la chose, le monde, la réalité. Que peut-on attendre donc de cette interrogation ? En définitive, rien ou si peu. Or, une réponse définitive est hors de toute atteinte. Cette question bute sur des éléments de réponse tranchés qui font la part belle aux truismes. Débat stérile et sans fin, s’il en est. La prétention de résorber le décalage irréductible entre l’historien, le journaliste, le philosophe qui cherche le vrai, et l’auteur qui forge les libres formations imaginaires de la littérature, est vouée à l’échec. Naturellement, si la vendetta appartient à l’histoire de la Corse à l’âge du romantisme et si on peut encore s’entretuer pour des questions d’honneur, la Corse de ces années-là ne peut se réduire à cette réalité. Un auteur n’est-il pas libre de construire et de déconstruire des mythes et des clichés ? Prosper Mérimée ne s’en est pas privé et ses aveux étaient sincères : « Tout gros mensonge a besoin d’un détail bien circonstancié, moyennant quoi il passe. » La fiction se moque bien de la réalité, les ethnotypes aussi. N’avait-il pas, en 1827, publié un Choix de poésies illyriques recueillies dans la Dalmatie, la Bosnie, la Croatie et l’Herzégovine ? Le recueil, assorti de notes de nature historique et philologique, était le fruit d’un voyage imaginaire. Canular ? Pastiche ? Mystification ? Manipulation ? Réélaboration de la vérité ? Mensonge ? Un peu tout à la fois. Le romantisme figeait l’identité insulaire dans une posture essentialiste et le processus d’ethnotypification s’élaborait à grand renfort d’images nécessairement simplifiées, des images qui ont encore cours aujourd’hui et qui sont du reste la chose la mieux partagée à travers le vaste monde.

Au-delà de la Corse, l’anniversaire de la publication de Mateo Falcone fournit l’occasion de s’interroger sur les ethnotypes en faisant appel à toutes les disciplines des sciences humaines et sociales, toutes les périodes de l’Histoire et toutes les aires géographiques.
Les langues de travail des journées d’étude sont le corse et le français.
Les actes des journées d’étude feront l’objet d’une publication dans le courant de l’année 2020.

Programme Journée d’Etudes ethnotype 4-5 décembre