CERVANTES Miguel (de), Don Chisciotte di a Mancia, traduction de Matteu Rocca, Ajaccio : Albiana, Coll. « Estru mediterraniu », 2016. (Chaire esprit méditerranéen Paul Valery)

La composition polyphonique de ce recueil est le résultat d’un travail d’équipe qui a réuni linguistes, interprètes et lecteurs bénévoles autour d’un document d’archive rarissime : la première traduction de 1925 en langue corse d’extraits d’une grande oeuvre de la littérature mondiale. Le metteur en scène et comédien Orlando Forioso, Napolitain vivant en Corse et prédisposé par son nom aux jeux d’identité, a conçu ce projet pour célébrer les quatre cents ans de la mort de Cervantès en entrant en dialogue à un siècle de distance avec Matteu Rocca, traducteur déguisé en peintre de la société. Nous avons choisi d’accompagner la traduction corse des chapitres correspondants en espagnol et en français, en omettant les passages non traduits par Matteu Rocca (coupures signalées par trois points de suspension). La traduction française à deux voix est celle que pouvaient lire les contemporains de Cervantès, transcrite dans une graphie à peine modernisée qui respecte la syntaxe originale, la couleur, le rythme et les archaïsmes de la langue de la Renaissance. Nous souhaitons ainsi permettre au lecteur de faire l’expérience d’une distance variable qui, par-delà le temps et l’évolution des langues, rend les aventures de Don Quichotte et Sancho Pança si populaires, si anachroniques et si familières à la fois. Cervantès a publié le Don Quichotte en deux parties, à dix ans de distance. La traduction française de César Oudin, publiée dès 1614, rend compte de la diffusion immédiate dans toute l’Europe de la première partie du roman (1605). Elle est antérieure à la publication en espagnol de la seconde partie (1615), traduite en 1618, deux ans après la mort de l’auteur, par François de Rosset. Comme Matteu Rocca, ces deux traducteurs occitans entendent la langue espagnole à la fois comme étrangère et familière, et chacun en restitue l’esprit avec son accent. César Oudin, qui connaissait plusieurs langues et avait occupé auprès du roi de Navarre les fonctions d’interprète et de diplomate, est également l’auteur d’un Recueil de sentences et de proverbes traduits du castillan. François de Rosset, poète et romancier provençal, a aussi traduit le Roland furieux de l’Arioste, qui occupe une place de choix dans la bibliothèque de Don Quichotte.