Chronique de la Corse : des origines à 1546 / Giovanni della Grossa et Pier’ Antonio Montegiani, Ajaccio : Éditions Alain Piazzola, 2016.

Si l'histoire de la Corse est assez bien connue pour les périodes moderne et contemporaine, il n'en va pas de même pour la période médiévale. Cette méconnaissance est due en grande partie à la pauvreté et à l'extrême dispersion des sources. La Corse sort de son isolement à la fin du XIe siècle, à un moment où les Sarrasins sont définitivement chassés de Méditerranée occidentale et où le pape Grégoire VII confie à l'évêque de Pise Landolfo la très difficile mission de replacer la Corse sous le gouvernement pontifical. L'île passe sous l'autorité pisane jusqu'à la fin du XIIIe siècle, au moment de la plus grande bataille navale du Moyen Âge, entre Pise et Gênes, La Meloria, en 1284. Mais ce sont deux événements qui changent alors la donne : un événement extérieur, la décision du pape Boniface VIII qui cède le gouvernement de la Corse et de la Sardaigne au roi d'Aragon en 1297 ; un événement intérieur, la révolution anti-seigneuriale de 1358, suivie de la dédition de l'île à Gênes, qui crée les conditions d'une domination de Gênes. Cette domination est remise en cause par l'alliance entre les rois d'Aragon, au nom de leurs droits, et les seigneurs cinarchesi du sud de la Corse. On comprend dès lors que, dans ce contexte, on ait pu parler d'une « tyrannie » du texte de la chronique de Giovanni de la Grossa, tant celui-ci paraît fondamental pour l'histoire médiévale de la Corse en lui offrant une sorte de colonne vertébrale chronologique. Mais le texte de Giovanni et de son continuateur Pier'Antonio Montegiani ne se résume pas à son intérêt historique : de la découverte mythique de l'île par Cor le Troyen, époux de Sica, à l'épisode des Giovannali, en passant par la mouche pesteuse d'Orsolamano, de la naissance des seigneurs Cinarchesi à travers une reconquista effectuée par le comte romain Ugo Colonna contre des princes musulmans à la création du portrait légendaire d'Arrigo Bel Messere, le texte de la chronique n'a cessé de fournir des images fortes et des motifs de discussion sans fin. L'édition que nous proposons n'a pas pour but de mettre un terme à ces débats mais d'offrir au lecteur, grâce à un travail important sur les manuscrits, un texte régénéré et complété, et par l'adjonction d'un important appareil critique, la possibilité de discuter le texte et un état des recherches en cours. Quant au texte de Montegiani, il est pour la première fois traduit et discuté.