En 1974 paraissait pour la première fois la revue Rigiru, publication dédiée à la littérature corse, dans laquelle l’article éditorial insistait sur le fait suivant : « A lingua è a cultura corsa sò prove è vive ». La langue et la culture corses sont attestées et vivantes.
On peut, avec le recul, y déceler une sorte d’écho au manifeste de A Cispra, paru en 1914, à la veille de la première guerre mondiale : les deux rédacteurs, Versini et Paoli, dont on rapprochera sans risque majeur la sensibilité politique de celle d’un Yann Sohier, y revendiquent un statut d’autonomie de l’île et une reconnaissance de sa langue, dont ils tentent, parfois maladroitement, de démontrer la distance avec l’italien. En 1974 intervient un acte institutionnel décisif : la reconnaissance du corse au titre de la loi Deixonne, votée en… 1951. Ceci dans un contexte sociopolitique de plus en plus tendu, dans le cadre d’une revendication d’émancipation qui s’est globalisée l’année précédente à l’université d’été de Corte.
Depuis, l’île a connu de profondes évolutions. Ainsi, l’Assemblée territoriale a-t-elle voté à l’unanimité, en 2007, un plan de développement de la langue dépassant largement le cadre scolaire et médiatique imposé par le législateur. Et adopté, le 29 juillet 2011, à la majorité, le principe de son officialisation. Si bien que l’on découvre un bilan largement positif sur le plan quantitatif et par comparaison avec la situation d’autres langues régionales. Qui ne laisse pourtant pas de masquer un certain nombre de difficultés dès lors que l’on aborde le terrain qualitatif.
Ainsi le présent ouvrage a-t-il été mis en projet, dans un esprit de logique compréhensive : l’ensemble de l’équipe impliquée a considéré que, une forme de politique linguistique s’étant mise en place de fait, avec un certain succès, il convenait d’en opérer l’examen critique.
L’on tente ainsi de mettre à jour, à travers une réflexion théorique et des études de cas, une dynamique d’action et les représentations qui guident les différents acteurs impliqués dans le processus en cours. Ce dernier constitue, à tout le moins, une sorte de mutation à la fois révolutionnaire et silencieuse du terrain socioculturel local, dans un contexte général d’ouverture linguistique et culturelle, au sein d’une Union européenne en marche, elle-même immergée au sein d’une mondialisation désormais passée dans les faits.
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