Le bilinguisme dans l’école de la République. Le cas de la Corse, Ajaccio : Albiana, 2008

À quoi sert-il d’apprendre le corse ? Que faire d’une telle langue à l’heure de l’ouverture européenne et de la mondialisation des échanges ? D’ailleurs, plutôt que de langue, ne devrait-on pas parler de dialecte, voire de patois ? Et s’il s’agit effectivement d’une langue, sa forte connotation patrimoniale ne souffrirait-elle pas d’obsolescence à l’heure du “village planétaire” et de l’avènement d’un code linguistique à la hauteur d’une proximité universalisée, l’anglais ? Voici un ensemble de questions qui n’ont rien d’inattendu sitôt que l’on aborde le problème de l’enseignement d’une langue régionale à l’école. Mais qui ont toutes les chances de se faire plus inquiètes et véhémentes si l’on en vient à évoquer l’hypothèse d’un enseignement bilingue qui pourrait s’appuyer sur l’occitan, le basque, le corse, le créole… À cette première série d’interrogations vient alors s’en ajouter une autre : que devient, dans ces conditions, l’école de la République ? Que devient l’unité de la Nation dont elle constitue le creuset et le garant historique ? Qu’advient-il des savoirs universels (...) ? Quels savoirs de substitution va-t-on intimer de propager à l’institution scolaire ? Va-t-on assister à l’expansion irréversible des coteries, des brigues et des communautés libérant dans leur sillage un torrent de connaissances irrationnelles, de mythes et de fables ? (...) Va-t-on subir, pétrifiés de stupeur, l’effondrement d’une volonté de vie commune scellée par les institutions démocratiques et symbolisée par l’action de l’école ? Ces deux grands questionnements bordent aujourd’hui le débat sur le bilinguisme dans l’école de la République. Ils masquent pourtant, par leurs outrances, les efforts faits par les théoriciens, les linguistes, les pédagogues qui, depuis de longues années ont partagé réflexions, outils conceptuels et pratiques et démontré tout l’avenir d’un enseignement cohérent et maîtrisé des langues régionales à l’école. Reprenant pas à pas les termes de ce débat, l’auteur, comme préalable à son étude, propose une petite histoire de l’enseignement de la langue française puis des langues régionales, dont bien entendu le corse. Ce dernier fait l’objet de l’étude de cas, articulée autour de la question des moyens pédagogiques et des contenus mis en œuvre dans l’enseignement bilingue au regard des rapports de force historiques, culturels, institutionnels qu’entretiennent depuis deux siècles les deux langues. L’effort de prospective du pédagogue engagé complète enfin le travail du chercheur méthodique et propose au lecteur quelques axes de réflexion sur l’avenir du bilinguisme et les moyens de le consolider.