Le grand dérangement : Configurations géopolitiques et culturelles en Corse (1729-1871) – Anthologie, Ajaccio : Albiana, Collection: Bibliothèque d’histoire de la Corse, 2013

Le grand dérangement dont traite cet ouvrage n'est évidemment pas celui que subirent les Acadiens en 1755. Pour autant, il sera également question, ici, de la fin d'un monde: celui de l'italianité de la Corse. C'est en effet à la question de la disparition de la culture italienne dans l'île que ce livre voudrait s'intéresser. Les bornes chronologiques retenues ne recouvrent pas la traditionnelle partition entre un avant et un après 1769. Nous avons fait le choix de débuter notre étude par le déclenchement de la Révolution corse (1729), dont l'aboutissement fut l'instauration de l‘Etat national, partie prenante du concert des nations italien, et de la conclure par la naissance de la Ill" République (1870-1871), moment décisif dans le processus d'intégration culturelle de la Corse à l'ensemble national et, en même temps, propice, en France, à une vague de corsophobie montrant les limites de ce processus. Il est essentiel de considérer cette période dans son ensemble afin de tenter de mieux comprendre comment et pourquoi un Etat indépendant de la sphère italienne, devenu un pays de conquête puis un département français, en vint finalement à adhérer à un monde culturel différent allant jusqu'à renier farouchement une partie de lui-même jusqu'à une période très récente. La première partie de cet ouvrage est consacrée à la mise en perspective historique des enjeux de la période alors que, dans une seconde partie, une sélection de textes- avec ce qu'elle peut avoir d'arbitraire- mettra le lecteur au contact direct des sources et des écrits des protagonistes du temps. Si la plupart de ces écrits sont connus des érudits, souvent cités, rarement lus, ils n'en demeurent pas moins difficiles d'accès car « relégués » la plupart du temps sur les rayonnages des bibliothèques ou dans les dépôts d'archives et bien peu ont été réedités. Aussi, pour la première fois trouvera-t-on ici réunis, entre autres, des textes de Pasquale Paoli et de Napoléon Bonaparte, de Salvatore Via le, de François-René de Chateaubriand et de Francesco Domenico Guerrazzi, offrant au lecteur, spécialiste ou non, un panorama de l'histoire culturelle de la Corse unique en son genre et plus encore, il faut le souhaiter, un espace de réflexion et de questionnement sur la construction-destruction permanente de l'identité corse.